Jardins de la Paix des Hauts-de-France Une ode à la résiliencedes hommes et des territoires
À l’occasion du centenaire de l’armistice de 1918, l’association Art & Jardins Hauts-de-France a lancé un concours international de conception paysagère pour créer un parcours mémoriel à travers des jardins.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
La région des Hauts-de-France a été fortement marquée par la Première Guerre mondiale, la ligne de front traversant les cinq départements de ce territoire, et ses traces sont encore bien visibles aujourd’hui. À l’occasion du centenaire de l’armistice de 1918, l’association Art & Jardins Hauts de France a souhaité enrichir l’offre culturelle et touristique autour de la mémoire en créant les Jardins de la Paix. Implantés dans le prolongement ou à proximité des lieux mémoriels de la Grande Guerre, ils ont été pensés par des paysagistes concepteurs, plasticiens et architectes des pays ayant combattu dans la région lors du conflit. Sélectionnés au printemps 2018, les lauréats ont assuré la maîtrise d’œuvre de leurs projets en partenariat avec les entreprises locales pour l’inauguration d’une douzaine de jardins à l’automne 2018. Quatre autres verront le jour en 2019.
La réconciliation franco-allemande
Le jardin du “troisième train”, conçu par le paysagiste Marc Blume, l’artiste Gilles Brusset et l’architecte Francesca Liggieri, est un projet franco-allemand. Au cœur du sous-bois conduisant les visiteurs depuis le parking vers la clairière de l’Armistice, à Compiègne (60), les concepteurs ont créé un ensemble de sentiers à l’image du réseau mycélien de la forêt, mais aussi du tracé des tranchées, mettant en scène des poches jardinées. Une longue banquette rectiligne incite à la contemplation et symbolise le troisième train, celui de la paix.
Mémoire du Chemin des Dames
Construit sur une crête du Chemin des Dames, le village du Vieux Craonne a été entièrement détruit pendant la guerre et apparaît aujourd’hui sous la forme d’un vallon boisé au relief tourmenté, sur lequel aucun mouvement d’ampleur du sol n’est possible. Le jardin « 592 » des paysagistes Lorenza Bartolazzi, Luca Catalano et Claudia Clementini honore la mémoire des combattants italiens disparus dans le secteur. Une trame de piquets symbolise les soldats. Autour, une succession de plantes à bulbes fleurira au fil des saisons, avec en premier lieu des tulipes rouges. Le projet “Cultiver la mémoire”, à l’initiative du paysagiste allemand Thilo Folkerts, s’inscrit dans le même secteur. Trois cercles de métal délimitent des espaces dans lesquels les visiteurs sont invités à planter des bulbes de perce-neige ou de crocus pour redonner vie à ce champ de bataille. En marge, le Jardin des “Hespérides” réalisé par les paysagistes marocains Karim El Achak et belge Bernard Depoorter, fait référence au jardin légendaire du Maghreb avec une fontaine en métal reposant sur une plateforme en zellige, ces carreaux de céramique émaillée, typiques du Maroc.
Jardins de la Paix dans la Somme
Thiepval accueille un important mémorial franco-britannique et désormais deux jardins. Les paysagistes gallois Dan Bowyer et anglais Andrew Fisher Tomlin ont créé « Through a woodland gently », un aménagement composé d’un long banc de 40 mètres sur lequel les initiales des milliers de soldats tombés pendant la Bataille de la Somme sont gravés. Des plantations réalisées avec les associations des anciens combattants britanniques rythment le projet. Pax Dryades, le jardin conçu par les paysagistes anglais Helen et James Basson, propose un cheminement labyrinthique dans un paysage symbolisant les tranchées où la nature reprendra ses droits au fil des ans. Dans les douves du château de Péronne abritant l’Historial de la Grande Guerre, les paysagistes représentant l’Irlande (Peter Donegan) et l’Irlande du Nord (Ian Price) ont imaginé le jardin d’“Eutychia”, en référence à la déesse du bonheur. Un lieu accueillant pour les familles avec notamment des tables de pique-nique entourées de fruitiers et de plantes communes en Irlande.
Au cœur de la citadelle Vauban
En hommage aux troupes néo-zélandaises qui ont libéré Le Quesnoy, les paysagistes Xanthe White, Zoë Carafice et Charmaine Bailie ont conçu “Rangimarie”. Pour les Maoris, le rangimarie évoque l’espace calme où l’on peut cheminer en compagnie de ses ancêtres. Une partie de la palette sauvage présente sur l’ancienne friche de ce site a été conservée et complétée par des plantes typiques de la Nouvelle-Zélande. Deux bancs sculptés invitent à la contemplation. Paysagistes bruxellois, Thomas Van Eeckhout et Mathieu Alain ont aménagé le jardin “À l’assaut du rempart” comme une projection parfaite au sol de la muraille. Il permet ainsi d’appréhender la hauteur impressionnante de ce rempart, tout en créant une terrasse.
Trois jardins pour le Pas-de-Calais
À proximité du centre d’accueil du Parc mémorial canadien de Vimy, les paysagistes Karyna Saint-Pierre, Julie Parenteau et Pierre-Yves Diehl (collectif Escargot) ont imaginé un jardin baptisé “Drapeau”. La dominante blanche des floraisons des plantes natives de leur pays, graminées, vivaces, amélanchiers, cornouillers, spirées… fait écho à l’emblème du Canada, mais aussi au drapeau blanc, symbole de la paix. Le banc a été fabriqué dans le tronc d’un hêtre centenaire de la forêt toute proche. Le jardin “Promenade en sous-bois”, lumières et transparences des paysagistes français Élise et Martin Hennebicque a pris place sur la colline de Notre-Dame de Lorette à proximité de la nécropole nationale et de l’Anneau de la mémoire inauguré en 2014. Implanté sur un ancien pré en contrebas du site mémoriel, le jardin s’appuie sur l’identité du territoire – bouleaux du bassin minier, merisier et fruitiers de l’Artois – pour créer avec un maillage régulier de feuillus en tige ou en cépée, une ambiance de sous-bois alternant avec des espaces de prairies propices à la contemplation. À Arras, le jardin des paysagistes Anna Rhodes et Melissa Orr “Piper’s Peace” rend hommage aux 2 500 sonneurs de cornemuse écossais présents durant la Grande Guerre. La palette végétale est typique de l’Ecosse : centaurées noires, chardons bleus, bruyères. Elle fait aussi écho aux matériaux utilisés pour la fabrication de ces instruments de musique avec le chêne des marais et les roseaux.
Yaël Haddad
Pour accéder à l'ensembles nos offres :